Une récente étude menée par la fondation Abbé Pierre donne des chiffres désolants. Alors que l’encadrement des loyers à Paris est de retour depuis 2019, son respect est toujours largement insuffisant. Les prix de l’immobilier locatif peinent encore à rester raisonnables dans la capitale avec environ 35% des annonces de mise en location hors cadre, à savoir qui excèdent les plafonds de loyers prévus par la dispositif. Zoom sur ce phénomène et son actualité immobilière qui, plus de deux ans après, a toujours du mal à se raisonner.
Qu’est-ce que l’encadrement des loyers en bref ?
L’encadrement des loyers est une mesure pensée puis imposée dans le cadre de la loi Elan, loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique de 2018. Le dispositif a pour objectif de réguler le marché locatif dans les grandes villes tendues et volontaires tout en limitant la spéculation. Ainsi, dans les zones où il est appliqué, les propriétaires-bailleurs doivent respecter des plafonds de loyers fixés par arrêté préfectoral et revus toutes les années. Sont fixés des loyers de référence, des loyers de référence majorés (loyers de référence +20%) et des loyers de référence minorés (loyers de référence -30%) en fonction de chaque quartier. Le loyer hors charge doit ainsi être contenu sous ou à l’équivalence du loyer de référence majoré, à l’exception de l’application d’un complément de loyer justifié. Bon à savoir : après Paris, d’autres villes ont adopté l’encadrement des loyers. C’est actuellement le cas à Lille, à Aubervilliers, à Epinay-sur-Seine, à l’île-Saint-Denis, à la Courneuve, à Pierrefitte, à Saint-Denis, à Saint-Ouen, à Stains, à Villetaneuse, à Lyon, à Villeurbanne, à Bagnolet, à Bobigny, à Bondy, à Le Pré-Saint-Gervais, à Les Lilas, à Montreuil, à Noisy-le-Sec, à Pantin et à Romainville.
L’encadrement des loyers à Paris passé au crible par la fondation Abbé Pierre
Retenons donc ce pourcentage, cette information immobilière qui vaut la peine que l’on s’y arrête : 35% des annonces immobilières postées pour mettre un bien immobilier en location dans la capitale ne respectent pas l’encadrement des loyers à Paris. Et le dépassement moyen est conséquent selon les chiffres révélés par la fondation Abbé Pierre. Il est en effet de 196€ par mois, pouvant varier considérablement d’une annonce à une autre.
On peut donc en conclure logiquement que les bailleurs ne sont pas encore enclins à respecter scrupuleusement ce dispositif de plafonnement des loyers. Il s’agit là du premier baromètre de la fondation relatif à l’application de l’encadrement des loyers et réalisé en collaboration avec la Ville de Paris. Pour analyser le marché immobilier à Paris, la fondation Abbé Pierre s’est reposée sur plus de 15 000 annonces locatives parues entre le mois d’août 2020 et le mois d’août 2021. L’enquête a de fait été très vaste et est, en ce sens, significative.
Ces presque 200€ par mois demandés hors cadre et parfois illégalement (pas toujours) aux locataires dans la capitale représentent un réel abus qui plombe leur budget logement. La fondation Abbé Pierre souligne que « cette somme correspond à une ponction annuelle de près de 2 400€ par an pour les locataires ». Une vraie perte dans une ville qui affiche déjà des loyers très coûteux.
Nuançons cependant les propos pour rester au plus près de la réalité. La fondation Abbé Pierre a en effet étudié les biens en relocation et non l’ensemble du marché de l'immobilier locatif privé à Paris. Les baux déjà en cours ne sont pas intégrés dans les résultats diffusés. On peut donc présager qu’un certain pourcentage ne respecte pas l’encadrement des loyers à Paris sans avoir d’idée précise de leur part réelle. Deuxième élément important, les annonces qui dépassent les plafonds établis ne sont pas toujours illégales. Vous le savez peut-être, les propriétaires-bailleurs sont autorisés à appliquer un « complément de loyer » justifié par des caractéristiques exceptionnelles du logement loué comme une vue rare, un emplacement très recherché, des équipements dernière génération, des prestations haut de gamme… Dans ce cas, le loueur doit préciser le ou les motifs qui l’amène/nt à demander un complément de loyer sur le contrat de location.
Qui est le plus touché par le non-respect de l’encadrement des loyers à Paris ?
L’enquête de la fondation Abbé Pierre s’est également attachée à déterminer les principales « victimes » des abus locatifs. Elle révèle ainsi, sans grande surprise, qu’il s’agit des personnes les plus vulnérables et notamment les jeunes, les personnes modestes, les personnes mobiles, les étudiants qui visent les petits logements situés en zones tendues, à savoir les secteurs dans lesquels la demande locative est plus forte que l’offre. « C'est pourtant là où l'encadrement des loyers devrait être davantage respecté. Parce que c'est là qu'il est nécessaire », déplore Manuel Domergue, directeur des études de la fondation Abbé Pierre.
Autre donnée intéressante, certains arrondissements sont plus sujets aux abus locatifs que d’autres. C’est le cas de ceux situés au centre et à l’ouest et notamment dans les arrondissements les plus aisés comme Paris 1er, Paris 7ème, Paris 9ème et Paris 16ème ; pour les petites superficies toujours. 47% des annonces portant sur un bien de moins de 30m² dépassent les plafonds en place. « Les quartiers situés à l’ouest et au centre de Paris concentrent les taux d’annonces non conformes les plus élevés », révèle le baromètre.
Pour vous donner un ordre d’idée, voici les pourcentages de dépassement des plafonds de loyers à Paris en fonction des arrondissements :
- Paris 1 : 32%.
- Paris 2 : 28%.
- Paris 3 : 32%.
- Paris 4 : 45%.
- Paris 5 : 36%.
- Paris 6 : 36%.
- Paris 7 : 39%.
- Paris 8 : 42%.
- Paris 9 : 43%.
- Paris 10 : 33%.
- Paris 11 : 39%.
- Paris 12 : 32%.
- Paris 13 : 29%.
- Paris 14 : 25%.
- Paris 15 : 32%.
- Paris 16 : 46%.
- Paris 17 : 39%.
- Paris 18 : 36%.
- Paris 19 : 36%.
- Paris 20 : 25%.
Enfin, intéressant toujours, certains supports affichent un plus fort taux d’annonces hors cadre que d’autres. C’est le cas de Jinka avec 57% d’annonces excédant les plafonds, PAP avec 54% et Facebook avec 52%. Au contraire, Logicimmo, Leboncoin, la Fnaim et Le Figaro sont de meilleurs élèves avec un taux de non-conformité de respectivement 21%, 22%, 23% et 29%.
Quelques améliorations depuis l’application de l’encadrement des loyers à Paris
Si l’on a tendance à se focaliser sur le négatif, terminons par une notre positive. Depuis que l’encadrement des loyers à Paris est entré en vigueur en 2019, « la situation s'améliore globalement. Depuis un an, les loyers à Paris ont baissé de 4%. Cependant, il reste un certain nombre d'abus avec un tiers de loyers abusifs et une nécessité à ce que la règle s'applique. Elle n'est pas en option », a récemment affirmé Ian Brossat, maire adjoint de Paris en charge du logement, de l'hébergement d'urgence et la protection des réfugiés au micro de BFM Paris.
Mais les différents acteurs se livrent à une bataille de chiffres qu’il est parfois difficile de décrypter. En effet, les données avancées par l’adjoint à la maire de Paris sont différentes de celles relevées par l’Olap (Observatoire des loyers parisiens) et publiées dans sa dernière édition datant de septembre 2021. L’Observatoire annonce en effet une hausse de +1,1% des loyers en 2020 contre +1,8% en 2019 pour l’ensemble des locataires.
Le problème selon Ian Brossat ? « c'est qu'il n'y a pas suffisamment de contrôles ou de sanctions ». Il demande ainsi au gouvernement une autorisation de sanction pour les propriétaires-bailleurs qui n’intègrent pas l’encadrement des loyers à Paris dans leur équation locative.
Vous êtes locataire dans la capitale ? Savez-vous si le montant payé chaque mois respecte les obligations de l’encadrement des loyers à Paris ?