Un guide pour adapter les rues au changement climatique a été diffusé par un groupement d’acteurs de l’urbanisme. La Smart City de demain doit et devra répondre à un cahier des charges précis intégrant logiquement les fortes préoccupations environnementales qui caractérisent notre ère. Plus verte, plus résiliente, plus frugale, plus sociale, raisonnablement connectée… La ville intelligente se réinvente et suscite réflexions et analyses pour parvenir à ses desseins.
« La rue commune », quand la Smart City intègre pleinement le changement climatique
Imaginez une ville sans voiture ou presque, une ville qui donne une large place aux piétons et dans laquelle les voitures sont reléguées au second plan. C’est l’idée traduite et portée dans le guide « la rue commune », fruit d’un travail collaboratif entre des acteurs de l’urbanisme et de la construction et plus de 800 citoyens consultés.
Ce document qui se veut méthode efficace pour lutter contre le réchauffement climatique est le fruit d’un appel à communs mis au point en 2021 par l’Agence de la Transition écologique (Ademe). Au fil des 400 pages, chacun peut prendre connaissance d’une multitude de solutions techniques et méthodologiques pour changer les habitudes et fonctionnements dans la Smart City. Le document s’adresse autant aux élus et aux urbanistes qu’aux citoyens. Il est ainsi disponible en ligne pour tous sur le site www.ruecommune.com.
Les particuliers acteurs majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique dans la Smart City
Le guide « la rue commune » a également comme base une vaste consultation citoyenne qui a suscité les passions. Plus de 800 propositions ont été récoltées par le biais de ce sondage, des propositions de particuliers sensibles à leur lieu de vie, à leur Smart City de demain.
Professionnels et particuliers ont pris la pleine mesure des enjeux alors que la ville intelligente pourrait devenir un intéressant terrain de jeux et d’expérimentations pour transformer en profondeur le paysage urbain.
Pour Franck Boutté, ingénieur et architecte qui a participé aux consultations « la rue est un maillage essentiel de la fabrique de la ville, on a un périmètre d’intervention incroyable pour adapter nos villes à l’enjeu climatique. Près de 80% des bâtiments actuels seront présents en 2050, il faut donc adapter aux conditions de demain et c’est aussi vrai des espaces publics ». Des propos recueillis lors d’une importante conférence de presse présentant le guide « la rue commune ».
Comment envisager les rues dans la Smart City de demain ?
L’intérêt du projet est également d’être ludique et didactique. Il est aisé de comprendre les méthodes et actions préconisées par le groupement. On peut ainsi prendre connaissance de la philosophie des « rues communes » qui doivent être des « rue planes, sans trottoirs ni séparation entre les fonctions urbaines ». Dans les rues de cette Smart City qui casse les codes urbains, les voitures ne peuvent plus se garer, elles peuvent uniquement circuler mais attention, à 5 km/h maximum, respectant les piétons et autres mobilités douces.
L’objectif ? Cheminer sereinement vers la diminution du nombre de voitures par foyer en ville pour « libérer l’espace ordinaire des rues de l’emprise de la voiture ». On parle ainsi de « démotorisation ».
Les auteurs du rapport mettent en avant une rue commune « libérée et apaisée », enfin détachée du règne automobile. Les aménagements pourront ainsi être différemment (re)pensés, envisagés pour l’accueil de nouveaux usages aux côtés de la mobilité. Mieux encore, ces usages pourront s’adapter « au rythme de la journée, de la semaine et des saisons ».
Toutes les rues sont-elles éligibles à ce nouveau projet ? Non, il serait utopique de le penser. Une rue commune ne doit pas être un axe structurant. « La rue commune » porte donc sur les axes secondaires qui se trouvent à 10 minutes des transports en commun maximum mais qui ne sont actuellement pas desservis par des lignes de bus. Important : ces rues ne sont pas systématiquement situées en centre-ville. Elles peuvent également se trouver en banlieue. Le prérequis ? Donner la possibilité de pouvoir effectuer des travaux d’aménagement.
Mais de quels aménagements parle-t’on ? Ils peuvent être multiples avec en tête de liste :
- La désimperméablisation des sols.
- La végétalisation ayant pour objectif premier le « rafraîchissement urbain ».
Pour contrer ceux qui jugent le projet trop ambitieux voire un brin idéaliste, les acteurs du regroupement affichent leur pleine conscience de nécessaires changements étape par étape. La voiture est au cœur des villes depuis de nombreuses années, il serait déraisonnable de penser que les usages peuvent se réinventer très rapidement. Mais progressivement, au gré de phases d’expérimentation, la démarche pourrait porter ses fruits. Évolutions à suivre donc ces prochaines années dans les Smart Cities de France (et pas seulement).
Changement climatique : comment la ville intelligente fait face à la canicule ?
Chaque été, les villes sont traversées par des vagues de canicule plus étouffantes. Les citoyens en font les frais, leur air devenant rapidement irrespirable lorsque les températures affolent le baromètre. Sans surprise, plus le réchauffement climatique s’intensifie, plus ces épisodes de fortes chaleurs sont importants. Les alertes émises par le GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat se font plus pressantes.
Mais alors comment contrer cette problématique à la fois environnementale, sociale et de santé publique ? Si certains citadins ont la chance d’évoluer dans des programmes immobiliers neufs qui intègrent le réchauffement climatique dans leur conception, ce n’est pas le cas de tous, loin de là.
La Smart City est ainsi obligée de se réinventer avec comme objectif de rendre les températures plus supportables. Parmi les outils envisagés, en voici quelques-uns :
La renaturation ou refonctionnalisation des sols formalisée par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Explication parlante « la renaturation d'un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé » Le CEREMA a mis au point une carte des sites à renaturiser en priorité.
La lutte contre les îlots de chaleur urbain. Pour vous donner un ordre d’idée, les Parisiens disposent de 5,6 m² d’espace vert par habitant. Comparaison révélatrice, les habitants en comptent 35 m² à Berlin et 250 m² à Rome. Béton présent en masse et manque de végétation sont les principaux responsables des températures incapables de baisser sous la barre des 20° pendant la nuit. Il est donc impératif de végétaliser la Smart City pour réduire le phénomène d’îlot de chaleur.
Réintroduire l’eau est également un impératif pour lutter contre le réchauffement climatique dans la ville intelligente. Qu’il s’agisse d’une fontaine ou d’un plan d’eau, d’un simple bassin ou d’un cours d’eau, la présence de l’eau permet de faire baisser la température de plusieurs degrés. Exemple parlant, la présence du Tage à Lisbonne permet de perdre entre 6 et 7°C lors des épisodes de canicule et ce même en s’éloignant de la rive.
Une orientation idéale de rues permettrait également de diminuer les effets néfastes des périodes caniculaires. Une équipe internationale a ainsi cherché à comprendre pourquoi certains cœurs de ville voyaient leurs températures grimper plus que d’autres. 51 villes intelligentes d’Amérique du Nord et d’Europe ont été passées au crible. Les conclusions en résumé ? L’orientation des rues et ruelles jouent considérablement dans la circulation de l’air et donc, par conséquent, sur l’augmentation des températures ou non. Les chercheurs du laboratoire Multi-Scale Materials Science for Energy and Environment, unité mixte internationale (CNRS/MIT/Aix-Marseille Université) et de l’Université de Californie (Irvine) ont ainsi révélé que des rues comme celles de Chicago, organisées en grille, voyaient leurs températures progresser davantage que les villes à l’organisation désordonnée comme Rome ou Londres. Des rues droites ou perpendiculaires ont tendance à piéger la chaleur.
Le béton mais aussi la brique ou la pierre captent la chaleur en journée et la libèrent pendant la nuit une fois le soleil couché. Impossible dans ces conditions de rafraîchir durablement les villes. Il semble donc important de changer les revêtements ou a minima de modifier leur couleur. Les sols clairs ont en effet un pouvoir réfléchissant important et ne stockent pas la chaleur. L’Ademe a en ce sens constaté une température abaissée de 4°C dans les rues d’Athènes depuis le passage à un revêtement blanc. Fortes de ce constat, des sociétés innovantes œuvrent à la mise au point de peintures anti-chaleur notamment.
À votre échelle, comment luttez-vous contre les fortes chaleurs dans votre ville ? Avez-vous connaissance d’actions mises en place pour rendre l’air plus respirable dans votre Smart City ?