Lors du dernier opus de son mondialement célèbre carnaval, Nice a tenté une expérience pas banale : celle de la reconnaissance faciale. Conquise par les résultats, la Smart City se heurte cependant à la Cnil qui ne cache pas ses problématiques. Explications.
Une expérience inédite dans une Smart City
Du 16 février au 2 mars 2019, Nice organisait son carnaval annuel. Elle est également passée à l’heure de la reconnaissance faciale pendant quelques jours en menant une vaste expérimentation digne des Smart Cities du futur. Sur la voie publique, 50 volontaires ont pu expérimenter la reconnaissance faciale pour tester cette technologie. Des employés de la mairie niçoise pour la plupart ont accepté de donner des photos d’eux ou de se faire photographier en amont.
Ces images ont été ajoutées dans plusieurs bases de données créées pour l’occasion et notamment une base dédiée aux personnes disparues, une autre pour les personnes interdites de séjour dans la Smart City… Cette base a ensuite été reliée à un algorithme de reconnaissance faciale, fruit d’un long travail de la société israélienne Anyvision.
Une fois activée, la technologie a ainsi pu mettre en parallèle les photos avec les visages filmés sur la voie publique, alertant en cas de correspondance.
Les limites de l’expérimentation dans la Smart City
On s’en doute, toute la difficulté de l’expérience résidait dans le respect de la vie privée, dans le droit à l’image des personnes filmées. Ainsi, les 50 volontaires ont signé des documents autorisant la diffusion et l’exploitation de leur image et la reconnaissance faciale a été testée sur une petite zone du carnaval. Cette dernière a vu transiter 500 personnes qui ont toutes été informées de l’expérimentation en cours par le biais de panneaux d’information, de tracts, d’explications orales… Elles ont également dû mettre à leur poigner un petit bracelet coloré pour indiquer leur consentement.
Mais toutes ces contraintes n’ont pas été vaines. Selon la police de la ville, "les 50 personnes de notre échantillon ont été reconnues par l'algorithme" et plus encore, la technologie aurait même permis de reconnaître distinctement des jumeaux monozygotes.
La société Anyvision affirme quant à elle que son algorithme apporte des résultats fiables à 99%.
La Cnil ne valide pas la reconnaissance faciale dans la Smart City
Mais l’expérience fait débat. Sa fiabilité est en effet remise en cause en s’appuyant sur certains échecs passés de grands groupes tels qu’Amazon, IBM ou Microsoft. Même entraînées, les technologies présenteraient un nombre conséquent d’erreurs dans leur analyse.
Interrogée par le JDN, la Cnil reste elle aussi sur ses gardes. Elle affirme même que "l’évaluation de l’expérimentation ne peut être menée à son terme". Pourquoi ? Parce que les données fournies par la Smart City niçoise ne sont pas suffisantes pour en tirer un bilan complet. Le 20 juin, Nice transmettait toutes les informations récoltées lors de cette période d’expérimentation. Le 16 juillet, la Cnil lui demandait des éléments supplémentaires tels que des données sur les risques de discrimination homme, femme, couleur de peau, âge…
A l’heure actuelle, la Cnil explique ne pas avoir reçu ces données complémentaires. Contactée, la mairie de Nice a affirmé au JDN que les demandes "sont en cours d'instruction par les services municipaux en lien avec la société sous-traitante en vue d'apporter des réponses les plus complètes". Elle avoue tout de même à demi-mot que "la durée et l'espace restreints ont eu pour effet de ne pas nous permettre d'avoir le recul nécessaire […] sur la discrimination éventuelle des personnes en fonction de leur genre, appartenance ethnique ou autre".
Quoi qu’il en soit, la Smart City souhaite étendre son dispositif. Elle a même demandé à l’Etat de l’autoriser à tester ses 3 000 caméras en conditions réelles, lors de disparitions notamment.
Que pensez-vous de la reconnaissance faciale sur la voie publique ? Auriez-vous accepté de vous prêter au jeu lors du carnaval de Nice ?