La crise sanitaire qui touche la planète ne laissera pas le monde intact. Comme certains aiment à le souligner, il y aura un avant et un après Covid-19. Et si la pandémie amène de positifs effets pour les plus opportunistes, visionnaires et optimistes, elle amène également son lot de désillusions et coups de frein voire de catastrophe économique dans certains cas. C’est le cas pour les projets de nombreuses Smart Cities, les projets des villes et territoires intelligents étant très souvent à l’arrêt pour tout ou partie. Mais la pandémie peut également être vue par les acteurs de la ville comme un électrochoc pour penser et agir différemment, pour cheminer vers un entité plus résistante et plus résiliente. État des lieux dans la Smart City un an après le premier confinement.
La Covid-19 entre accélérateur et ralentisseur pour la Smart City
Dans le cas de la pandémie, la demi-mesure ne semble pas ou peu exister. Que l’on se penche sur les villes de France ou que l’on élargisse à l’échelle mondiale, deux configurations principales se révèlent : les villes pour lesquelles la Covid-19 est un accélérateur, un booster de transformation numérique et de projets, les villes pour lesquelles la Covid-19 est un véritable ralentisseur qui met tous les projets ou presque à mal. Le contexte est posé prenons quelques cas précis pour illustrer ce qu’il s’est passé ces derniers mois.
Il est évident que la Covid-19 a complètement bouleversé tout ce que l’on pensait, tout ce que l’on savait, tout ce que l’on jugeait essentiel dans et pour la ville intelligente. Et les villes qui ne s’étaient pas encore vraiment lancées dans la création de leur territoire intelligent ont ici dû s’adapter rapidement et efficacement, pour assurer la pérennité et la continuité des services à leurs administrés notamment. C’est le cas de Dijon par exemple. La ville a fait preuve d’une remarquable adaptabilité, un brin visionnaire même. Elle a mis sur pied un poste de pilotage qui se révèle d’une très grande utilité pour gérer la crise sanitaire et notamment pour assurer la qualité du service public en milieu médical. Selon le conseiller municipal délégué à la qualité du service public et à la relation aux usagers, Denis Hameau, « ce centre a permis de gérer la saturation du CHU et d’apporter un soutien à la population. » C’est évidemment exactement ce que l’on attend de la ville intelligente en pleine pandémie.
Autre destination, Lyon. Avec la mise en place de « Lyons voisins solidaires », la ville a souhaité mettre fin à l’isolement. Cette plateforme numérique à l’initiative de la collectivité permet aux bénévoles et aux personnes dans le besoin de se mettre en relation en quelques clics. Ici, les premiers viennent en aide aux seconds en faisant les courses, en aidant aux devoirs… Une initiative reproduite à Paris avec le site « jemengage.paris » qui assure la mise en relation et le lien entre les associations et les entreprises.
Et les exemples sont nombreux. Angers semble avoir eu une vision pré-crise. En effet, en 2019, la ville avait lancé son projet de développement de ville intelligente et heureusement. Le maire et président de l’agglomération affirme ainsi sobrement « heureusement que nous avons lancé notre projet de territoire intelligent avant la crise. Si c’était aujourd’hui, nous ne pourrions pas le faire. »
Et cette démarche amorcée avant la Covid-19 intègre une vraie dimension santé et sociale. Si la totalité du projet n’a pu être lancée avant que la crise sanitaire n’impacte le territoire, cette dernière a eu des effets positifs sur les réflexions en cours « car le projet n’en était qu’à ses débuts » selon le directeur du programme Territoire intelligent de la collectivité angevine, Richard Thibaudeau. Il explique encore que « la crise sanitaire a permis une prise de conscience de la nécessité d'accélérer le développement de la technologie dans la gestion des problèmes de santé car nous avons réalisé ses bienfaits et réfléchissons à des solutions pour pallier les déserts médicaux ».
Qu’il soit positif ou négatif, l’impact de la Covid-19 sur la Smart City est évident.
De nouveaux fondements pour la Smart City
C’est bien en cela que la ville intelligente semble vouloir évoluer : sur ses fondements. Si certaines cités sont aujourd’hui dans la tourmente suite à un défaut d’anticipation, à un « raté » dans les évolutions ou encore à un manque d’aides financières ces dernières étant affectées là où il y en a le plus besoin en cette période de crise, d’autres voient en la Covid-19 l’opportunité de se réinventer et de devenir plus « solides ». Une vraie période de bouleversements qui amène des prises de conscience majeures, à commencer par la nécessité d’une organisation différente et d’un détachement des seules nouvelles technologies comme pilier de la ville intelligente.
Il est évident que les capteurs installés sur le Smart Territoire vont résister à la crise, qu’ils continueront à engendrer des économies mais faut-il encore que les entreprises qui les produisent et les gèrent résistent elles aussi à la pandémie. C’est ici que l’on se rend compte de l’importance de l’humain, de l’importance qu’il a et qu’il doit prendre même dans la Smart City connectée. Une affirmation encore plus vraie dans le domaine de la santé mais aussi dans celui de l’environnement et de l’aménagement de la ville. La Smart City se sert aujourd’hui de la crise en cours pour anticiper la suivante, pensant son territoire pour limiter la propagation des virus, pour le rendre agréable même en période de pandémie et pour assurer la continuité des services de santé sans être saturé.
Les acteurs de de la Smart City mondiaux mis à mal par la Covid-19
Il est évident que les acteurs ayant un rôle à jouer dans la crise sanitaire sont multiples. Il est ici question des gestionnaires mais également des différents services de santé, des entreprises, des aménageurs de la ville ou encore des opérateurs tournés vers la culture. Une multiplicité d’acteurs vérifiable au niveau national mais également international. Et quand l’un d’eux fait défaut, les projets peuvent rapidement être mis à mal en cette période de crise sanitaire.
Direction Toronto au Canada pour s’en rendre compte. Ici, un projet de Smart City était en pourparlers. Alors que le quartier expérimental de la ville était déjà sur la sellette, la Covid-19 a encouragé des géants de la technologie et de l’internet à jeter l’éponge et à se désintéresser du projet. Pourquoi ? Parce que la ville intelligente sur le point de voir le jour n’était tout simplement pas viable et la pandémie l’a d’autant plus démontré. La ville futuriste, trop axée sur les nouvelles technologies et sur une gouvernance très centrée sur le géant du net Google a rapidement opposé ses limites.
Autre exemple, celui de Cisco, leader des réseaux informatiques mondial. L’entreprise a récemment communiqué sur sa volonté d’achever les projets en cours avec les différentes collectivités accompagnées mais de ne pas s’engager dans de nouveaux projets pour l’heure. Cisco n’est qu’une société parmi d’autres qui souhaitent attendre des jours meilleurs mais surtout réfléchir sur la suite pour construire la ville intelligente de demain, celle prenant en considération le contexte actuel. L’heure est à la stabilisation des ressources et non à l’investissement !
Évidemment, tous les projets de Smart City ne sont pas abandonnés. En Asie par exemple, la culture de la ville intelligente est plus forte, plus solide, partie intégrante des politiques menées en Chine, en Corée, en Malaisie ou encore au Japon. Sur le continent, la Smart City est donc encore et toujours un enjeu fort qui ne connaît que peu voire pas de recul. Une volonté accompagnée d’une maîtrise bien différente de l’épidémie, il faut le dire. La pandémie fait en effet l’objet depuis le départ de mesures beaucoup plus draconiennes que celles observées dans le reste du monde. Ainsi, Toyota continue à édifier sa Smart City au pied du Mont Fuji au Japon. Une ville destinée à accueillir les employés et les familles du groupe.
Après lecture de ces quelques lignes, la question qui reste à l’esprit est : la Smart City va-t-elle résister à la Covid-19 ? S’il est impossible de prédire l’avenir, il semblerait que oui mais sous certaines conditions, des conditions d’adaptation notamment. Une fois les restrictions budgétaires outrepassées, les gestionnaires doivent et devront adapter leurs projets pour cheminer vers une ville plus sociable, plus résiliente mais aussi plus résistante et plus humaine. La crise sanitaire apparaît alors comme un test de grandeur nature, un test de la capacité des différentes collectivités et des Smart Territoires à se réinventer, à s’adapter et à changer de vision pour l’avenir.
Pensez-vous que la Covid-19 a impacté votre ville et son développement ? Comment ?