Emmanuel Macron l’affirme, s’il souhaite diminuer les APL (Aides personnalisées au logement), c’est avant tout pour faire baisser les loyers. Mais le lien entre loyer élevé et APL est-il vraiment prouvé ? Il semblerait que non selon certaines récentes études.
Le gouvernement affirme que les APL font grimper les loyers
Chaque année, le gouvernement consacre 19 milliards d’euros aux APL. Rien d’étonnant donc, dans cette volonté affichée de réduire les dépenses en diminuant le montant de l’aide. C’est ainsi une baisse de 5 euros par mois et par ménage qui a été décidée. Elle sera appliquée dès le 1er octobre 2017.
Et pour justifier, en partie, ce coup de rabot, le gouvernement s’appuie sur une idée qui a la vie dure : les APL seraient responsables des montants élevés des loyers. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs réaffirmé dans son dernier entretien fleuve donné au Point. Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, a également récemment expliqué « quand on met 1 euro de plus sur l’APL, ça fait 78 centimes de hausse des loyers il faudra bien sortir de ce système qui est pervers ». Mais nos dirigeants disent-ils toute la vérité ?
Les APL jouent sur le montant des loyers
De nombreuses études ont confirmé les dires du gouvernement : il y a bien un lien de causalité entre montant des APL et montant des loyers. Et ce mécanisme concerne le marché immobilier dans sa globalité. Les APL, mais aussi le PTZ ou encore la loi Pinel tendent à faire gonfler artificiellement les prix sur le marché.
En 2002, l’Insee a révélé qu’un loyer libre qui devenait aidé avait tendance à davantage augmenter. Une autre étude menée entre 1984 et 2012, toujours par l’Insee, affirmait que « l’augmentation des aides pour le secteur locatif privé aurait principalement entraîné une hausse du prix des loyers ». « Il y a indiscutablement des effets d’aubaine créés par ces aides dans certains endroits et pour certaines couches de la population, reconnaît Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers. Mais si ces mécanismes existent depuis si longtemps, c’est qu’ils jouent aussi un rôle d’amortisseur économique et social. »
Mais l’impact des APL diminue d’année en année
Cependant, si la donne était vraie il y a quelques années, il semblerait que l’impact des APL sur la hausse des loyers soit de plus en plus faible. Selon l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas), entre 2001 et 2010, les loyers ont augmenté de +32% en France. Les ALP ont quant à elle progressé de +16% sur la même période.
Plus encore, il n’est pas certain que la baisse des APL conduira à la baisse des loyers. Preuve en est au Royaume-Uni, qui, malgré une très forte diminution des aides au logement, n’a pas observé de baisse des loyers. « En zone tendue, un propriétaire ne se préoccupe pas vraiment de savoir si son locataire touche les APL, souligne Henry Buzy-Cazaux, il n’aura pas grand mal à en trouver un autre qui n’en perçoit pas. Si son loyer est élevé, c’est qu’il a payé son logement cher. » Il semblerait donc que l’argument du gouvernement ne tienne pas…
Comment réformer le système des APL ?
Pour Henry Buzy-Cazaux, il faut se détacher de l’approche purement budgétaire adoptée par le gouvernement, mais « le débat sur les aides au logement a tout lieu d’être ». « Dans certaines villes moyennes, les APL poussent clairement les loyers à la hausse, estime-t-il. Tout comme c’est le cas de l’ALS (Allocation de logement social), une aide sans condition de ressources qui dope les loyers de certaines petites surfaces. Mais on ne peut pas généraliser, ni estimer que tous les propriétaires sont des spéculateurs. »
Il préconise donc la baisse des APL pour les foyers les moins nécessiteux et leur maintien, voire leur hausse, pour les locataires dans le besoin.